Fidemin au Fayoum, le village et le canal sefi

Fayoum – Fidémîn n°2

La petite localité de Fidemin, au sud-est du lac Qaroun, est aujourd’hui bien oubliée des archéologues, mais l’un des premiers voyageurs, Paul Lucas, signale en 1712 « de grosses pierres », dont certaines gravées mais très effacées, dans ce gros village, alors siège prospère de l’évêché du Fayoum. La localité est encore incluse dans l’Atlas archéologique dessiné par Georges Daressy au début du 20e siècle. Mais déjà à l’époque du voyage de Loret, ce sont le plus souvent des géographes qui mentionnent Fidemin, pour ses magnifiques vergers et son réseau hydrographique (canal « d’été », sefi, illustré ici) alimenté par le Bahr Youssef. Comme pour Mehendi en Nubie, cette vue est exactement identique à une gravure illustrant la Géographie Universelle d’Élisée Reclus (volume 10, paru en 1885), réalisée elle aussi d’après une photographie de Héron. Loret a réalisé deux autres vues plus personnelles de ce village, dont une scène de marché.

L’entrée de la tombe de Thoutmosis III (KV 34)

 

1898. Biban-el-molouk. Vue, prise du bas de la vallée, de la gorge du tombeau de Thoutmès III – VdR.34

Nommé directeur du Service des Antiquités de l’Égypte en 1897, Loret, qui connaissait bien la nécropole et les momies royales depuis 1881, était convaincu qu’il y restait plusieurs sépultures à découvrir. Aussi y programma-t-il des fouilles dès février 1898. D’accès particulièrement haut et étroit, la tombe de Thoutmosis III (1479-1425) fut découverte par l’inspecteur de Gourna, Sobhi, pendant que Loret se trouvait à Assouan. Prévenu, il revint précipitamment à Thèbes pour la fouiller. Son travail d’exploration, qui semble n’avoir duré que quatre jours, fut pourtant méthodique et complet, et tous les objets découverts furent emportés au Caire. Début mars, Loret revint achever le relevé et la couverture photographique de cette tombe, tandis que ses ouvriers mettaient au jour celle d’Amenhotep II (KV 35), fils et successeur de Thoutmosis III. Loret a rédigé sur le champ un rapport sur ces travaux (.pdf) publié en 1899 dans le Bulletin de l’Institut égyptien.

Loret catalogueur

Le 1er janvier 1872, âgé d’à peine plus de treize ans, Victor Loret commença dans un petit cahier d’écolier l’inventaire de sa bibliothèque qu’il devait tenir jusqu’en 1945, quelques mois avant sa mort. Sa collection comptait alors 4230 documents numérotés. Durant les premières années de l’inventaire, s’y mêlent oeuvres littéraires en diverses langues anciennes et modernes (anglais, latin et grec, hébreu, allemand, arabe, espagnol…), partitions musicales et publications scientifiques sur l’Égypte ancienne. Ce catalogage exhaustif fut rituellement effectué le 1er janvier de chaque année jusqu’en 1881. Puis Loret partit pour l’École du Caire, ce qui apparemment perturba un peu ses habitudes. À partir de 1900, ses listes annuelles ne sont plus datées au jour près, mais les en-têtes de certains cahiers suggèrent que le premier de l’an resta, sans doute durant toute la vie de Loret, le jour du catalogage, ou du pointage, de ses documents. Vers 1917, il cessa d’inventorier systématiquement ses nombreuses partitions avec ses livres, même si quelques pièces de musique ou ouvrages de critique musicale se glissent encore parmi les pages d’égyptologie – le n° 3710 est la populaire chanson de Mireille « Couchés dans le foin » (1932)…
L’esprit systématique, la précision et la recherche d’exhaustivité qui se manifestent dès l’adolescence de Loret resteront la marque de ses travaux scientifiques, et en particulier de ses recherches linguistiques, tout au long de sa carrière. Ils expliquent également la réussite exceptionnelle de ses fouilles à Saqqara et dans la Vallée des Rois en 1898-99.

Voir les cahiers d’inventaire de Loret numérisés.
Voir l’analyse de la documentation de Loret

 

La Nubie pittoresque : Mehendi

 

Méhendi – Rue couverte antique

La collection photographique de Loret inclut une bonne part d’images qui témoignent de sa curiosité pour l’Égypte et de la Nubie de son temps – curiosité qu’il voulait transmettre par l’image à ses étudiants.
Cette rue couverte dans le village nubien de Mehendi n’est sans doute pas vraiment « antique », mais elle faisait apparemment partie des lieux pittoresques de la région signalés aux visiteurs, puisqu’une photographie presque identique y a été prise vers la même époque par un certain Daniel Héron.
D’abord en possession d’Élisée Reclus, auteur d’une Géographie Universelle, puis de la Société de Géographie de Paris, la photo de Daniel Héron est maintenant dans les collections de la Bibliothèque nationale de France. Le commentaire qui l’accompagne est probablement de Reclus :
« Les rues de la ville étaient en forme de tunnel, passant sous les maisons comme encore actuellement dans les oasis égyptiennes et notamment dans la grande oasis de Syouah ».

Le Menchiyéh, bateau du Service des Antiquités de l’Égypte

Les tournées d’inspection en Haute-Égypte que devait effectuer le DIrecteur du Service des Antiquités exigeaient un moyen de déplacement spécifique. Disposer d’un bateau lui permettait de maîtriser totalement ses déplacements et ses étapes, ce qui n’aurait pas forcément été facile avec des bateaux de louage, comme on le lit souvent sous la plume des voyageurs de l’époque. Au fil de l’eau, cette embarcation recueillait et transportait au Caire les antiquités trouvées par les paysans qui prélevaient la terre des sites antiques utilisée comme engrais (sebakh).
Le premier bateau mis à la disposition de Mariette à la création du Service des Antiquités de l’Égypte (SAE), en 1859, était le Sammanoud, ou n°3. Il n’était sans doute pas neuf, puisque dès 1862 l’administration khédiviale le remplace par le Menchiyéh, bateau à vapeur que Mariette décrit dans une lettre d’avril 1862 comme beaucoup plus rapide et moins bruyant que le Sammanoud.
Une vingtaine d’années plus tard, le vapeur était toujours en service et le directeur du SAE l’empruntait régulièrement pour son inspection annuelle. Au début de 1881, à la mort de Mariette, Gaston Maspero venait d’être nommé à la tête du Service et il utilisa ce bateau pour son premier voyage en Haute-Égypte, emmenant avec lui les premiers membres de la toute jeune mission archéologique française au Caire qu’il avait lui-même recrutés, Loret et Bouriant.
Le couple Maspero devait continuer à habiter sur ce bateau au moins jusqu’à l’été 1882. Maspero écrit à E. Renan au printemps 1882 : « Depuis que je suis en Égypte j’ai dû toujours habiter à bord du bateau du Musée. C’est un logement agréable l’hiver, mais insupportable dès que les chaleurs commencent, et malsain quand le Nil baisse. »